07 juin 2007

Un regard mixte et engagé sur l’école, les étudiants, l’enseignement

L’enseignement est un des éléments clés du développement social, culturel et économique. Personne ne le conteste, mais où en sommes nous vraiment ? Retrouvons-nous un fossé entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas ? La démocratie de l’enseignement : un rêve, un échec, une volonté urgente ?

Lire ça va. Comprendre c’est autre chose !

« La Libre Belgique » du 23 mai intitulait l’article consacré à l’évaluation du français par une équipe de recherche dans le primaire et le secondaire « Lire ça va. Comprendre c’est autre chose »

Réactions de deux candidats socialistes ayant des choses à dire et à vivre.

Entretien réalisé par Jean Pierre Keimeul Journaliste

Madeleine Mairlot a derrière elle une carrière d’enseignante dans le technique secondaire et l’enseignement supérieur - graduat en communication, service social, bibliothécaire.

Hassan Bousetta travaille à l’Université de Liège au CEDEM, centre d’études de l’ethnicité et des migrations ; il est également chercheur au FNRS.

Madeleine Mairlot : « J’ai eu la chance d’accéder à l’université dans les années 1960, et de devenir prof de français au début des années 1970, la belle époque de la démocratisation de l’enseignement. Ce n’est pas un hasard si l’échec le plus évident à l’université, toutes facultés confondues, vient de ce que les étudiants ne comprennent pas des textes complexes. » « Lorsque j’enseignais dans le secondaire technique que l’on dévalorise à tort, mes étudiantes, je leur faisais lire dix bouquins par an. Nous pouvions aborder Camus, Sartre, la poésie surréaliste, la littérature italienne… Même si l’orthographe était souvent défaillante, on travaillait sur le sens, il y avait du fond » « À ce moment-là, on pouvait encore parler « d’humanités techniques ». Maintenant, les programmes visent à la rentabilité immédiate. On supprime le dessin, la musique, le latin, demain la littérature pour l’informatique… C’est oublier que l’apprentissage de la musique favorise celui des maths et que le latin aide à la maîtrise du français. »

Hassan Bousetta : « J’ai eu une scolarité sans problèmes. Dans un milieu rural où mon père et quelques autres ouvriers immigrés avaient atterri. Nous étions quatre frères et tous nous faisions des primaires impeccables. Ce qui « étonnait » certains parents… Je dois souligner que si nous avons eu des « beaux points » c’est aussi grâce à des enseignants qui nous donnaient le goût de l’école. L’école est soumise aux tensions sociales, la différence se marque toujours par ce que peut apporter le milieu familial. Il y a des parents qui ne connaissent pas l’école, ne savent pas faire passer cette confiance en l’école que généralement des parents intellectuels font passer. Quand il faut surmonter un handicap linguistique ou socio-culturel, c’est dur, et il faut inculquer une confiance en lui à l’enfant, à l’étudiant. C’est ce que j’appelle le degré de confiance avec l’institution scolaire. »


Comment appréhender les courants qui veulent de nouveau séparer garçons et filles dans les filières d’enseignement, parfois même au nom d’un certain féminisme ?

Madeleine Mairlot : « Je me refuse à cautionner un tel retour en arrière. Bien entendu il y a une différence d’appréhension de la scolarité. Les garçons ont besoin d’être en bande, de s’affirmer, je l’ai ressenti très fort quand j’enseignais à l’école technique. Les filles s’adaptent beaucoup plus vite à la réalité du moment, elles intègrent qu’une bonne scolarité est une promotion dans la société. Mais garçons et filles se stimulent, se découvrent, s’enrichissent de leurs différences. »

Hassan Bousetta : « J’ai lu cela aussi, cela me paraît un courant tout à fait marginal. « Question plus fondamentale, c’est le port du voile dans les écoles publiques. Je suis un adepte de cette notion d’école publique. L’école doit permettre aux étudiants de vivre et les laisser vivre. C’est leur apprentissage qui leur forge une personnalité. La dérive serait de précipiter les jeunes filles qui portent le voile par choix, conviction, même par révolte identitaire, dans des écoles religieuses éloignées du reste de la société. « L’interdiction du port du voile dans certaines écoles n’est pas la solution et ne favorisera pas la dynamique d’intégration. Je suis persuadé, quand je dis cela, que cela peut se faire sans toucher à la nécessaire séparation du champ politique et du champ religieux. »

Les hautes études et l’université : un mur infranchissable ?

Madeleine : « Dans le supérieur, je constate que le projet Bologne favorise des écoles mammouths. L’étudiant a des bâtiments fonctionnels, de beaux amphis, la province de Liège a fait un travail remarquable sur ce plan-là, mais une part de la relation humaine disparaît entre les profs et les étudiants. »

Hassan : « Effectivement, comme le souligne Madeleine l’enseignement fait face à des réformes lourdes. Nos universités doivent former en 5 ans au lieu de 4 ans mais sans moyens correspondants en investissements pédagogiques et humains. L’université d’aujourd’hui n’est plus celle d’il y a 15 ans, et on constate, en matière de recherche, qu’elle est soumise à la concurrence des labos, des centres de recherche et des lobby privés. « J’en reviens aussi à une notion fondamentale, « celle du 19ème siècle et de « l’Instruction Publique ». Ce n’est pas un combat d’hier c’est un combat d’aujourd’hui et de demain. « En Afrique il n’y a plus d’Instruction Publique, les écoles qui forment correctement sont privées. En Belgique le phénomène des « écoles européennes » très chères et performantes qu’affectionne un certain nombre d’entreprises, c’est déjà un révélateur. »

Des idées politiques concrètes ?

Madeleine Mairlot

« Il faut renforcer l’étude du français et des langues dès le plus jeune âge. Parce que c’est déjà entre 6 et 8 ans que les différences se marquent, parfois pour toute la vie… Il est tout aussi primordial de réintroduire la culture et l’art dans les cours dès l’école primaire. La musique, le théâtre, toutes les activités qui développent une créativité doivent se faire dès le départ. Ce serait aussi une manière de réintroduire les artistes dans une fonction pédagogique où ils sont trop peu présent. »

Hassan Bousetta

« Je trouve primordial dans le cadre de l’enseignement de répondre aux crises identitaires de manière sociale. Il y a des « écoles ghettos » que des élèves eux-mêmes qualifient d’ « écoles poubelles ». Or, pour s’identifier à l’école il faut s’y trouver dans des conditions positives. L’intégration scolaire comme je le soulignais est aussi une question de confiance, non seulement pour les parents mais pour les étudiants. Se sentir dans une école de « seconde zone » cela na favorise pas la confiance en soi et l’épanouissement. Concrètement je suis favorable à la création de classes de 15 élèves maximum. »


Madeleine Mairlot 6ème suppléante à la Chambre

www.madeleinemairlot.be

m.mairlot@skynet.be


Hassan Bousetta 9e effectif à la Chambre

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hassan.bousetta@skynet.be